Biais cognitifs : quand notre cerveau fait des raccourcis

Organe sensationnel, notre cerveau est loin d’être parfait dans son fonctionnement. Confronté à des problèmes récurrents, il développe des stratégies de résolution, par exemple, des raccourcis de pensée, aussi spontanés qu’inconscients.

Ces raccourcis équivalent à une distorsion dans le traitement cognitif d’une information. Autrement dit, un « biais cognitif ». Le terme « biais » fait référence à une déviation systématique de la pensée logique et rationnelle par rapport à la réalité.

Codex des biais cognitifs (traduction française du travail de John Manoogian III et Buster Benson
proposée par Damien Delbèque, Fabien Longeot, Thomas Guiot, Arnauld de la Grandière et Giliane Claire).

Les biais cognitifs conduisent le sujet à accorder des importances différentes à des faits de même nature. Ils peuvent être repérés lorsque des paradoxes ou des erreurs apparaissent dans un raisonnement ou un jugement.

Souvent utiles, les biais cognitifs peuvent néanmois nous conduire à une mauvaise interprétation des choses. Surtout, ils constituent des leviers de choix pour qui souhaiterait orienter notre interprétation. La publicité les exploite souvent pour faire passer ses messages (raisonnement fallacieux, oubli de la fréquence de base).

De nombreux biais cognitifs, propres à l’esprit humain, se manifestent dans de multiples domaines : perception, statistiques, logique, causalité, relations sociales, etc. Du point de vue de leurs domaines, on peut distinguer entre autres des erreurs :

  • de perception,
  • d’évaluation,
  • d’interprétation logique.

Les biais cognitifs ne sont généralement pas conscients. Leur caractérisation est importante aussi bien dans les domaines judiciaire que scientifique, puisqu’ils sont néfastes dans un processus logique.

Certains de ces biais peuvent être efficaces dans un milieu naturel, tels ceux ayant hébergé l’évolution humaine, en permettant une évaluation ou une action plus performante. Néanmoins, ils peuvent se révéler inadaptés à un milieu artificiel moderne.


Mémento

  1. La nécessité de faire le tri. Un trop-plein d’informations est nocif, c’est pourquoi nous les filtrons donc massivement.
  2. De quoi se souvenir (ou pas) ? On ne s’encombre que du strict nécessaire.
  3. La nécessité d’agir vite. Pour agir vite (et ne pas rater son tour), nous sautons directement aux conclusions.
  4. La quête de sens. Le manque d’information rend confus, aussi nous plaisons-nous à remplir les trous.

Les solutions que nous mettons en oeuvre pour régler les problèmes peuvent nous jouer des tours :

  1. Nous ne voyons pas tout. Et certaines des informations que nous écartons et/ou filtrons sont en fait utiles et importantes.
  2. Notre mémoire renforce les erreurs. Une partie des choses dont nous nous rappelons dans le futur biaisent nos processus de pensée.
  3. Les décisions rapides peuvent être nulles. Certaines des conclusions auxquelles nous parvenons sont injustes, égoïstes et contre-productives.
  4. Notre quête de sens peut générer des illusions. Nous imaginons parfois des détails qui ont été placés là par nos suppositions et construisons des intentions et des histoires qui n’existent pas.

1. La nécessité de faire le tri

Face au flot incessant d’informations, nous n’avons pas d’autre choix que d’en filtrer la quasi-totalité. Notre cerveau utilise alors quelques astuces pour choisir les briques informationnelles les plus susceptibles de s’avérer. Dès lors :

  • Nous remarquons ce qui a déjà été amorcé dans la mémoire ou ce qui est souvent répété.
  • Les choses bizarres/drôles/visuellement frappantes/anthropomorphiques sont plus marquantes que celles qui ne le sont pas.
  • Lorsqu’un élément change, nous le remarquons.
  • Nous sommes attirés par ce qui confirme nos propres convictions
  • Nous remarquons les failles des autres plus aisément que les nôtres

2. De quoi se souvenir (ou pas) ?

Confronté à une masse d’informations à traiter, nous choisissons de nous occuper des briques informationnelles les plus susceptibles de nous être utiles dans le futur. Aussi sommes-nous dans l’obligation constante de faire des compromis et des paris relatifs aux informations dont nous allons nous rappeler ou oublier.

Ainsi, nous préférons généraliser plutôt que de nous occuper de cas spécifiques. Cela occupe moins d’espace de stockage et lorsque nous sommes face à trop de détails, nous en sélectionnons quelques-uns et ignorons le reste.

Ce que nous conservons correspond à ce qu’il nous apparaît le plus susceptible d’être utile pour les filtres du problème 1 (excès d’information disponible), ainsi que de nourrir ce qui nous vient à l’esprit au problème 4 (besoin de sens et de remplir les blancs). Cela s’appelle l’auto-renforcement.

  • Nous stockons différemment les souvenirs selon la façon dont ils ont été expérimentés.
  • Nous réduisons les événements et listes à leurs éléments clés.
  • Nous effaçons des spécificités pour former des généralités.
  • Nous modifions et renforçons quelques souvenirs après coup

3. Nécessité d’agir vite

Contraints par le temps et l’information, nous ne pouvons nous permettre de les laisser nous paralyser. Sans la capacité à agir vite dans un contexte d’incertitude, notre espèce aurait certainement disparu il y a bien longtemps.

Chaque fois que survient un nouvelle brique d’information, nous devons évaluer au mieux notre capacité à agir face à une situation, l’utiliser pour modifier nos décisions, simuler ce qui pourra advenir et, au moins, participer à modifier notre point de vue sur le monde.

  • Nous préférons les options simples en apparence et une information complète aux options complexes et ambiguës.
  • Pour éviter les erreurs, nous visons le maintien de notre autonomie et de notre statut au sein d’un groupe et cherchons à éviter les décisions irréversibles.
  • Pour accomplir tout acte, nous optons pour terminer ce qui nous a déjà coûté en temps et en l’énergie.
  • Afin de maintenir notre concentration, nous privilégions ce qui est immédiat et signifiant juste devant nous.
  • Avant d’agir, nous devons être sûrs que nous pouvons influer sur la situation et mesurons l’importance de tout acte.

4. La quête de sens

Parce que le monde est hautement déconcertant, nous ne pouvons en percevoir qu’une petite partie, alors qu’il nous est nécessaire d’en tirer du sens afin de survivre. Une fois que le flot réduit d’informations nous est parvenu, nous relions les points, comblons les blancs avec ce que nous pensons déjà savoir et mettons à jour nos modèles mentaux du monde.

  • Nous projetons notre état d’esprit et nos suppositions actuels sur le passé et le futur.
  • Nous pensons savoir ce que les autres pensent.
  • Nous simplifions les probabilités et les nombres pour qu’ils soient plus faciles à appréhender.
  • Nous nous figurons les choses et les gens que nous apprécions ou qui nous sont familiers meilleurs que les autres.
  • Nous extrapolons des attributs sur la base de stéréotypes, de généralités, et d’antécédents.
  • Nous projetons des histoires et des motifs, y compris à partir de données éparses

Sources

  • Le Codex proposé ici est la traduction française du travail de John Manoogian III et Buster Benson (version originale ici). Ont participé à cette adaptation française : Damien Delbèque, Fabien Longeot, Thomas Guiot, Arnauld de la Grandière et Giliane Claire.
  • Ressource originale à consulter :
    – sous forme d’infographie (cliquer sur chaque biais pour en avoir la définition) ;
    – sous forme de PDF imprimable.
  • Codex des biais cognitifs, penser-critique.be.

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