
« Théorie du complot » : de quoi parle-t-on exactement ? Cet avertissement en préambule : « complot » et « théorie du complot » sont deux expressions à ne surtout pas confondre.
Complot. Projet secret élaboré par un groupement de personnes contre une ou plusieurs personne(s) ou une institution. Il est caractérisé par l’existence d’un petit groupe de personnes puissantes qui se coordonnent secrètement pour planifier et entreprendre des actions néfastes et généralement illégales dans le but d’étendre leur pouvoir.
Théorie du complot. Dans son édition 2017, le Petit Larousse, propose la définition suivante : « se dit de quelqu’un qui récuse la version communément admise d’un événement et cherche à démontrer que celui-ci résulte d’un complot fomenté par une minorité active. »
Le complot
« Complot » et « conspiration » sont le plus souvent synonymes dans la langue française (en anglais, ne subsiste que le mot conspiracy), même si la conspiration semble impliquer davantage de personnes.
On complote quand on a l’intention de nuire secrètement à une personne, un groupe, un pouvoir, ou même un pays entier. Le complot implique la manipulation et le contrôle de l’information (falsification, désinformation…) pour maintenir le secret ou influencer l’opinion publique. La cabale (ou « machination ») est un complot qui vise plutôt à détruire la réputation d’un individu. Mais dans les cas les plus sordides, le complot peut avoir recours à l’enlèvement ou à l’assassinat.
Des complots réels ont bel et bien existé à différentes époques : la conjuration de Catilina (Salluste) sous la République romaine, la Fronde sous Louis XIV (TAGUIEFF Pierre-André, Court traité de complotologie, éditions des Mille et une nuits, 2013), la dépêche d’Ems, la prise du pouvoir par les Bolchéviques en 1917 ou encore le renversement de Pinochet au Chili, par exemple.
Complot, conspiration, cabale ou machination reposent sur le secret et sont toujours véhiculés par la rumeur : invérifiable, on ne connaît pas son origine. Elle peut être partiellement vraie ou complètement fausse.
La théorie du complot
La « théorie du complot » est un récit pseudo-scientifique qui tente d’expliquer des faits réels à la lumière d’une conspiration attribuée à un groupe malveillant. Le « complotisme » (ou « conspirationnisme ») est le mode de pensée (et le discours) qui sous-tend cette théorie du complot.
Dès 1945, le philosophe des sciences Karl Popper (1902-1994) s’emparait du sujet (POPPER Karl, The open societies and its enemies, 1945) :
« C’est l’opinion selon laquelle l’explication d’un phénomène social consiste en la découverte des hommes ou des groupes qui ont intérêt à ce qu’un phénomène se produise (parfois il s’agit d’un intérêt caché qui doit être révélé au préalable) et qui ont planifié et conspiré pour qu’il se produise ».
Alors que le « complot » peut être réel ou historique, la « théorie du complot » relève plus sûrement du fantasme. L’existence avérée d’anciens complots pousse en effet des personnes à basculer dans l’irrationnel et la paranoïa, au point de croire à l’existence d’une « théorie du complot ».
L’expression désigne avant tout le mythe du « grand complot », « super-conspirationnisme » (SZOC Edgar, Inspirez, conspirez : le complotisme au XXe siècle, éditions La Muette, 2016) ou « méga-complot ». « Cette théorie prétend qu’un groupe de personnes dirige le monde en secret, tire les ficelles et influence la société selon son gré » (MAZET Sophie, op. cit. p. 65.).
À lire aussi : Pour une petite histoire des théories du complot
Selon cette mythologie, des groupes y jouent un rôle moteur et néfaste (les francs-maçons, les jésuites, des États ou des officines étatiques, mais surtout les juifs – TAGUIEFF Pierre-André, op. cit ). La théorie du complot rend ces groupes responsables d’évènements aussi disparates que l’assassinat du président Kennedy, la mort de Lady Diana ou l’épidémie du sida.

Dans une vision globale, le méga-complot explique tout ce qui arrive par une seule cause (le « complot juif », les « illuminati » …). Les nouvelles expressions « complotisme » et « conspirationisme » découlent directement de ce phénomène.
Glossaire
Théorie du complot
« Thèse ou récit remettant en cause la version officielle et qui place en son cœur l’idée d’un complot sans jamais le prouver. » Spicee
« On peut ainsi définir une théorie du complot comme un récit « alternatif » qui prétend bouleverser de manière significative la connaissance que nous avons d’un événement et donc concurrencer la « version » qui en est communément acceptée, stigmatisée comme « officielle ». » Conspiracy Watch
Conspirationnisme
« Discours qui remet en cause la version officielle ». Spicee
« Tendance à attribuer abusivement l’origine d’un événement à un inavouable complot dont les auteurs présumés – ou ceux à qui il est réputé profiter – conspireraient, dans leur intérêt, à tenir cachée la vérité ». Conspiracy Watch
Complotisme
Recherche perpétuelle de complot caché derrière chaque fait, chaque événement.
Complotiste
« Se dit de quelqu’un qui récuse la version communément admise d’un événement et cherche à démontrer que celui-ci résulte d’un complot fomenté par une minorité active ». Petit Larousse 2017
À lire aussi : Lexique du complotisme
Sources :
Dossier de la journée d’étude « Réagir face aux théories du complot (2016), la revue « Sciences humaines », Pierre-André TAGUIEFF, Edgar SZOC, Sophie MAZET, Véronique CAMPION-VINCENT, Rudy REICHSTADT, les sites « on-te-manipule.fr », Média Animation (« Théories du complot, Ressorts et mécanismes ») ; « La Toupie » ; Qu’est-ce que le complotisme ?, Lumni.
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